« Eco régionalisme », fierté et identité

« Eco régionalisme », fierté et identité

Le néologisme est fort de sens, et dit bien la volonté d’une cohésion, autour de valeurs fortes, au-delà de l’économie, mais tout à son service. La région Centre-Val de Loire n’échappe pas à la règle et cultive, elle aussi, ses atouts et ses passions.

C’est peu de dire que les six départements de la région Centre-Val de Loire sont différents les uns des autres, tant leurs géographies, l’environnement et bien sûr leur développement économique sont uniques. De la Beauce à la Brenne, de la Touraine à la Sologne, du Gâtinais au Chinonais, ils sont unis par un régionalisme fort, cimenté par la volonté de cultiver les qualités environnementales, le tourisme « doux », la gastronomie et les vins, la culture et les châteaux, les jardins remarquables et les grands noms de l’Histoire de France.
Et au milieu coule un fleuve, la Loire, classée il y a 25 ans au patrimoine mondial de l’UNESCO, et dont chaque habitant se revendique même s’il n’habite pas sur ses rives.
Derrière cette vitrine prestigieuse se cache une région profondément hétérogène, aux équilibres subtils, qui forge un régionalisme fait d’alliances plus que d’évidences.

C’est où le « Centre » ?

Notre région est une mosaïque de territoires, avec chacun son identité économique, culturelle et géographique, des terres agricoles du Berry aux influences ligériennes de la Touraine.

Ce morcellement apparent a longtemps freiné l’émergence d’un sentiment régional fort. Contrairement à la Bretagne ou à l’Alsace, dotées d’identités culturelles anciennes et clairement définies, le Centre-Val de Loire s’est construit sans mythe fondateur, sans langue régionale vivace, sans revendication identitaire marquée. On se souvient de la lutte fratricide entre Tours et Orléans, militant chacune pour le titre de capitale régionale, et le Berry pendant ce temps qui regardait, las de n’être pas considéré. Et pourtant, au fil des décennies, un régionalisme pragmatique s’est peu à peu installé, nourri par des solidarités économiques, et culturelles et le besoin impérieux de faire corps au risque de se déchirer. En témoignent son logo en forme de cœur, et son nom qui rappelle que la Loire n’est pas anecdotique. On est loin de cette époque où l’on se demandait : « c’est où le Centre » ?

Le premier ciment, et non des moindres, est sans conteste le patrimoine. La Loire, classée il y a 25 ans au patrimoine mondial de l’UNESCO, agit comme un axe identitaire majeur. Sur ses rives se dressent les emblématiques châteaux de Chaumont, Chambord, Blois, Amboise, Chenonceau, Sully, Gien, Meung, Beaugency et bien d’autres, témoins d’un âge d’or artistique et politique. La Renaissance française, impulsée par François Ier, nourrie par Léonard de Vinci, a laissé ici une empreinte éternelle. Cette Renaissance que l’on célèbre désormais chaque année sous le vocable des Nouvelles Renaissance(s), est l’occasion de réunir tous les acteurs de la culture et du tourisme. Tous les châteaux, les MJC, restaurants, parcs et jardins, sont, de mai à novembre, les lieux et le prétexte de spectacles incroyables, d’expositions, de concerts et de réjouissances gastronomiques. Plus de 500 rendez-vous qui désormais disent l’unité de la Région et sa capacité à faire la fête sous la même bannière.

Des économies complémentaires

Le deuxième trait d’union s’exprime dans les complémentarités économiques. La région Centre-Val de Loire est un poids lourd de l’agriculture française : céréalière en Beauce, élevage dans le Berry, viticulture en Touraine et dans le Loir-et-Cher. Des appellations comme Sancerre, Chinon ou Vouvray sont devenues des ambassadeurs du territoire à l’international.
À côté de cette ruralité revendiquée, la région Centre-Val de Loire est la quatrième région industrielle de l’hexagone. Le Loiret et l’Eure-et-Loir abritent des pôles de haute technologie dans les secteurs de la cosmétique, la pharmacie, l’automobile, l’aéronautique et l’armement. Des entreprises de rang mondial y sont implantées et des laboratoires universitaires y mêlent ainsi recherche, innovation et savoir-faire industriel aux côtés des grandes écoles qui viennent élire domicile, sachant que la terre est fertile. ISC Paris, AgroParisTech se sont installées à Orléans respectivement en 2019 et 2022, l’ESTP en 2023. La Région a accueilli 74 projets d’investissements industriels étrangers en 2024.

Dossier : "Ecorégionalisme", fierté et identité
Château de Meung-sur-Loire

Vrai par nature

Ces interactions multiples forgent peu à peu une conscience régionale, ni militante ni folklorique, qui s’exprime à travers les politiques publiques et les projets de territoires.
Les collectivités cherchent à valoriser les atouts communs comme le tourisme durable ou la transition agricole. Les produits du terroir, de la poire d’Olivet aux lentilles du Berry, le fromage de chèvre, le safran et même le caviar de Sologne, contribuent ensemble, à forger une identité collective dans l’assiette. Au point d’avoir créé la marque © du Centre.
Cette marque agroalimentaire, fondée sur la noblesse et la provenance des produits, a son slogan « Vrai par nature ».

Entre héritage et avenir

La force du Centre-Val de Loire réside dans sa capacité à articuler ses différences. Elle accepte d’être une somme de territoires, liés par une volonté partagée de construire un avenir commun. À l’heure des défis environnementaux, de la revitalisation des zones rurales et de la nécessaire coopération entre les territoires, le Centre-Val de Loire est à sa façon un modèle de régionalisme contemporain.


« Eco régionalisme », fierté et identité - Françoise Gatel
Françoise Gatel © Nicolas Terrien

Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du Commerce et de l’Artisanat.

  • L’épicentre : En quoi la ruralité est-elle un atout pour les régions, à l’heure où parfois elles se sentent mises à l’écart ?
  • Françoise Gatel : À l’heure du développement durable, la ruralité est extrêmement moderne. C’est une question d’équilibre. La ville a besoin des apports de la ruralité pour se développer et pour vivre. On en a besoin pour sauvegarder notre souveraineté alimentaire, pour l’eau, les énergies renouvelables… L’apport de la ruralité est colossal, mais aussi essentiel à l’avenir de notre pays. Il faut le dire ! La ruralité, c’est vingt-deux millions d’habitants et 30% de l’industrie. Il y a certes des difficultés, mais pas de fatalité. La ruralité est un enjeu d’avenir pour la France.
  • L’épicentre : Justement, la région Centre-Val de Loire est très rurale et très industrielle aussi. Et il est souvent difficile de concilier ces deux aspects, notamment en terme d’emploi. Comment faire ?
  • FG : Pour que la ruralité soit forte, il faut que des personnes y vivent. Et pour qu’elles y vivent, il faut qu’elles puissent y travailler. Je disais que l’industrie représente 30% en ruralité, et quand on parle de réindustrialiser la France pour assurer sa souveraineté et son indépendance, c’est dans la ruralité que cela se fera. Encore une fois, c’est un équilibre entre l’habitat, l’activité économique, mais aussi les loisirs et la culture.
  • L’épicentre : Devant des élus de la région, vous avez dit que la loi doit s’écrire au niveau des territoires. Va-t-on vraiment dans ce sens ?
  • FG : Oui, je le crois, même si c’est toujours un processus lent. En tout cas, je crois profondément qu’il y a une adhésion de tous sur le constat que l’on ne peut pas continuer à faire des lois à Paris dont on dira qu’elles s’appliquent de Marseille à Lille en passant par le Loir-et-Cher et l’île d’Ouessant ! Il faut partir de ce qui se passe dans la ruralité en lui permettant d’agir. Il faut que la loi donne un cadre et des solutions pour chaque territoire. C’est le prix de l’efficacité et de la confiance de nos concitoyens. Alors cela ne se voit pas spontanément, mais si on l’a fait pour l’eau et l’assainissement, on devrait pouvoir le faire avec d’autres thèmes. Nous sommes en marche…

Propos recueillis par Nicolas Terrien


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