
Il y a des histoires qui semblent sorties d’un roman. Celle de La Vierge à l’Enfant avec le jeune saint Jean-Baptiste, découverte à l’église Saint-Félix de Champigny-en-Beauce, en est une. Pendant plus d’un siècle, cette toile a sommeillée dans l’ombre, étiquetée comme une modeste copie du XIXᵉ siècle. Mais en 2021, une intuition du conservateur Matteo Gianeselli a bouleversée son destin.
L’affaire débute dix ans plus tôt. En feuilletant les bases de données des collections publiques françaises, Gianeselli tombe sur une photographie intrigante. Ses traits, pourtant qualifiés d’ordinaires, éveillent une question audacieuse : se pourrait-il qu’il s’agisse d’une œuvre issue de l’atelier de Botticelli ? L’idée est jugée fantasque, jusqu’à ce que des analyses scientifiques précises, menées au Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France (C2RMF), confirment son intuition. Les pigments, la technique du spolvero (transfert de dessin via calque) et les grains de verre typiques du XVIᵉ siècle établissent son origine florentine.
Le tableau, probablement réalisé dans les dernières années de l’atelier de Botticelli, est une version inversée de l’original conservé au Palazzo Pitti de Florence. Son chemin vers la Beauce reste un mystère mais des indices pointent vers la collection d’un écrivain britannique établi en Italie au XIXᵉ siècle.

Dialogue avec la Renaissance
Aujourd’hui, cette œuvre est bien plus qu’un tableau. Classée Monument Historique en 2021, elle rejoint son modèle florentin dans la chapelle du château de Chambord. Une rencontre exceptionnelle où l’art italien dialogue avec l’héritage de la Renaissance française. Une fois encore, le Val de Loire, terre de chefs-d’œuvre et d’histoires oubliées, prouve qu’il n’a pas fini de surprendre.
Rendez-vous à Chambord pour contempler ces deux madones qui, à elles seules, racontent des siècles de créations et d’influences croisées. Si le chef-d’œuvre florentin repartira pour les offices de Florence le 20 janvier, le tableau prêté par Champigny-en-Beauce, lui, restera visible à Chambord tout au long de l’année 2025, offrant une opportunité unique de découvrir ce trésor redécouvert.
Sophie Manuel
Crédits photos : Léonard de Serres et Sophie Manuel