
Sociologue spécialiste des mobilités, Ludovic Bu a publié, en juin 2024, un ouvrage intitulé “ Tout- voiture : on arrête tout et on réfléchit ! ” (1). Selon cet expert, si l’on veut en finir avec le règne du tout-voiture et penser différemment nos mobilités, une révolution culturelle s’impose.
- l’épicentre : Beaucoup d’ouvrages ont été écrits sur les dérives du “ tout-voiture ”. Quelle est la plus-value de votre livre ?
- Ludovic Bu : Je me penche sur l’“ autobésité ”, qui recouvre plusieurs phénomènes : le nombre croissant de véhicules personnels (2,3 millions dans les années 1950, 39 millions aujourd’hui), l’augmentation impressionnante des distances parcourues et le volume croissant des automobiles neuves (les véhicules ont grossi de 50 % depuis les années 1950). J’ai commencé ce livre en 2021. La période présentait un terreau favorable. En 2018, la crise des gilets jaunes a mis sur le devant de la scène le coût du carburant et les distances domicile-travail. En 2019, la loi d’orientation des mobilités (LOM) s’est penchée sur la mobilité durable, les voies réservées, l’ouverture des cars scolaires à tous les usagers… Enfin, les confinements sanitaires en 2020-2021 nous ont forcés à être sobres dans nos déplacements. On a réalisé qu’un kilomètre, c’est un quart d’heure de marche.
- l’épicentre : Vous expliquez que trop de voitures pollue, et nuit à la sociabilité…
- LB : Pour revenir aux gilets jaunes, parmi les personnes manifestant sur les ronds-points se trouvaient des gens épuisés par les longs trajets et l’isolement social dû au temps passé dans la voiture. Avant, les gens vivaient dans un périmètre plus restreint, la sociabilité se faisait dans le quartier, on se déplaçait à pied ou à vélo, on croisait les gens, on se parlait. En voiture, on ne connaît plus personne = Nous devons parcourir des kilomètres pour nos activités, aller dans les zones commerciales, emmener les enfants au centre de loisirs… Pour moi, les gilets jaunes ont été un phénomène expiatoire de ces excès de mobilité.
- l’épicentre : Que faire pour inciter davantage à la marche et au vélo ?
- LB : Nous devons encore et encore créer des pistes et bandes cyclables, piétonniser des espaces pour une ville apaisée, pour que les enfants puissent comme autrefois jouer dans la rue. Cela requiert un courage politique mais qui porte ses fruits. Le maire de Pontevedra, ville espagnole de 80 000 habitants, a été réélu six fois. Pourtant, il a chassé les voitures du centre-ville et tout piétonnisé. Des panneaux indiquant le plan des itinéraires piétons parsèment la ville.
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Propos recueillis par Nathalie Da Cruz