Le défi du moment est de redonner du sens à l’engagement

Le portrait d'expert : Amir Reza-Tofighi, nouveau président de la CPME au niveau national

Amir Reza-Tofighi est le nouveau président national de la CPME. Rencontré à l’occasion de sa venue à Blois, il évoque librement et franchement ses convictions sur les sujets les plus actuels, et parfois clivants.

Amir Reza-Tofighi
En janvier 2025, il a succédé à François Asselin à la présidence de la CPME. Élu avec 65,4 % des voix, il ambitionne naturellement de porter haut et fort la parole des entreprises. Et ça tombe plutôt bien, car il se dit qu’il n’a pas sa langue dans la poche. A 40 ans tout juste, fils de réfugié politique iranien, il a grandi à Grigny dans l’Essone, ce qui ne l’a pas empêché de réussir un parcours étudiant exceptionnel : Centrale Supélec et HEC. Avant cela, il avait déjà créé sa première entreprise à l’âge de 16 ans. Créateur compulsif, il en a créé une douzaine depuis, dans les domaines du conseil, de l’immobilier, de l’accompagnement social et même une plateforme de commande de VTC, Heetch, à l’origine pour les noctambules des vendredis et samedis soirs !
Il est aujourd’hui dirigeant de Vitalliance, entreprise de services à la personne, pour les personnes âgées dépendantes. Co-fondée il y a 20 ans, elle emploie aujourd’hui 8 500 salariés, dans 150 agences de l’hexagone.

Avant d’être élu président de la CPME, il en présidait la commission Innovation depuis 2019. Au titre de la CPME, il a également été administrateur OPCO, administrateur UNEDIC, et récemment encore administrateur de France-Travail. Son jeune âge ne l’a donc pas empêché pas d’être très au fait de l’ensemble des questions relatives au monde de l’entreprise et du travail.

Amir Reza-Tofighi à la convention CPME 2025
Amir Reza-Tofighi à la convention CPME 2025 © Gwen Bovilan
  • l’épicentre : Le travail est un vecteur d’émancipation, dites-vous….
  • Amir Reza-Tofighi : J’en suis convaincu. Il doit permettre à n’importe qui de s’élever dans la société et de se construire. En somme, c’est une valeur de gauche, à l’opposition de la rente financière. Or on vit dans une société où le travail a perdu sa raison d’être. J’ai le sentiment qu’aujourd’hui, quand on parle de travail, c’est sous l’angle de la pénibilité, du “ travailler moins ”, et par l’opposition systématique entre le chef d’entreprise et le salarié. Aujourd’hui, je me bats contre l’idée que nous sommes encore dans la lutte des classes.
  • l’épicentre : Comprenez-vous que les gens aient envie d’avoir un travail qui a du sens ?
  • AR : Que le travail ait du sens, c’est une évidence. C’est même le rôle de tout chef d’entreprise, que de donner du sens au travail de ses collaborateurs. Mais les gens disent aussi souvent qu’ils travaillent trop, ou qu’ils ont trop travaillé. Or j’ai le sentiment qu’aujourd’hui, dans le temps long de la société, on n’a jamais aussi peu travaillé. Même s’il est vrai que certains professionnels, notamment dans la santé, travaillent plus que de raison. Mais au global, tous métiers confondus, nos parents et nos grands-parents travaillaient beaucoup plus que nous. Et donc aujourd’hui, il est difficile de financer notre modèle social conçu sur les bases des décennies passées. Il faut désormais apprendre à financer des changements de carrière, des transitions professionnelles ou du temps partiel, voire
    un départ anticipé. Il faut individualiser et ne pas globaliser.

« Que le travail ait du sens, c’est une évidence. C’est même le rôle de tout chef d’entreprise que de donner du sens au travail de ses collaborateurs. »

  • l’épicentre : A propos de départ, la question des retraites est semble-t-il, un sujet dont on n’a pas fini de de débattre.
  • AR : Si l’on critique sans cesse les politiques, mais qu’on n’est pas capable de se mettre d’accord entre nous, alors on ne peut rien dire. S’agissant des retraites, je considère qu’on a une vraie responsabilité pour trouver un accord sur un sujet pour lequel les politiques n’arrivent pas à trouver d’issue. À nous partenaires sociaux, de montrer que nous sommes responsables, et capables de trouver une solution d’avenir.
    Rappelons quelques chiffres : dans les vingt prochaines années, pour le seul régime du secteur privé, si l’on ne change rien, on atteindra 350 milliards de déficit cumulé. On a aujourd’hui 1,7 actifs pour financer un retraité, 1,4 dans 20 ans. A l’origine c’était 4 pour 1. C’est une bombe à retardement pour nos petits-enfants qui devront payer nos retraites. Il n’y rien de plus immoral que de leur laisser cette dette, alors que nous devons investir dans la transition écologique ou numérique, sur notre protection militaire, investir pour la nation pour nos petits-enfants. Pour redonner confiance aux jeunes, il faut leur montrer qu’il y a un avenir, et qu’ils auront eux aussi droit à une retraite selon un modèle viable. Intégrer une brique de capitalisation, c’est une façon d’investir pour soi-même, et donc de redonner de la confiance.

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Propos recueillis par Stéphane de Laage